Le spectacle de samedi, nous proposait de découvrir la poésie de Pablo Neruda. Ce grand poète écrivait il y a 50 ans déjà :
« Je veux vivre dans un monde où les êtres seront seulement humains, sans autre titre que celui-ci, sans être obsédé par une règle, par un mot, une étiquette. (…) Je veux que l’immense majorité, la seule majorité: tout le monde puisse parler, lire, écouter, s’épanouir.(…) Je combats pour cette bonté générale multipliée, inépuisable. » Pablo Neruda, J’avoue que j’aivécu,1974
Alors moi forcément, même si je ne le connais pas bien, je me sens tout de suite proche de quelqu’un qui porte ce même rêve et semble mener la même lutte que moi, entretenir les mêmes espoirs avec les mêmes outils : LES MOTS.
Ne vous y trompez pas : les mots sont puissants : ils peuvent élever ou détruire et, dans mon for intérieur, je suis convaincue qu’ils sont capables de changer le monde. Non pas de manière spectaculaire, mais ils nous font avancer tout doucement, ils peuvent ouvrir des portes, des horizons insoupçonnés dans nos esprits et nos cœurs. Pour cette raison, il faut prendre grand soin de ce qu’on lit, de ce qu’on écoute, des spectacles que l’on choisit de voir. Les mots sont porteurs d’espoirs ou de haine, de confiance ou de peur, à nous de bien choisir et de bien choisir surtout ce que l’on donne à lire et à voir aux enfants et aux jeunes. La culture n’est pas un passe-temps, un loisir comme un autre, c’est quelque chose qu’il faut prendre très au sérieux.
Entendons-nous bien, pas au sens d’ennuyeux ou de grave, parce qu’il y a tellement de joie et de bonheur à parler, lire, écouter, s’épanouir…Vous savez quand je pense à ce mot « sérieux », je vois le petit prince qui doit veiller à bien enlever les graines de baobab, afin que ces arbres n’envahissent pas sa petite planète, je pense au soin et à l'attention que cette tâche mérite. Parfois choisir un livre ou un auteur, un chanteur, un danseur, un acteur que l'on veut suivre et que l'on aime, c'est un peu comme se choisir un ami : il faut seulement l'accueillir et alors quelle joie de se laisser emporter dans un autre univers....
Par exemple pour moi, ce petit prince que je connais depuis que je suis petite, c'est un ami qui m’accompagne partout et qui parfois au détour d’une phrase me fait un clin d’œil ; je le retrouve au cœur d'une pensée , je l’entends dans un mot, il guide un peu mes pas parfois…et je crois que je voudrais bien faire un bout de chemin aussi avec Pablo Neruda parce que ces quelques mots que j’ai lus ou entendus sont si beaux que j’ai envie de le découvrir …
Je m’éloigne de mon propos parce que penser aux livres que j’ai aimés m’emmène loin, très loin, dans des contrées merveilleuses…et justement ce petit prince me souffle à l’oreille que le mot que je cherchais c’est « ESSENTIEL ».Voilà c’est dit que « tout le monde puisse parler, lire, écouter s’épanouir… » c’est ESSENTIEL. La culture c'est ESSENTIEL. Dans un monde où les fake news véhiculent la peur, où les réseaux sociaux nous réduisent souvent à une image bien inconsistante, prenons un peu de temps pour écouter l’ESSENTIEL, quelques minutes pour lire un poème qui nous nourrit le cœur et l’esprit.
Nourrir... , si nous faisons attention à notre alimentation pour qu'elle soit équilibrée, nous devrions veiller aussi avec le même soin à celle de notre esprit et de notre cœur. Notre esprit se construit avec ce qu'on lui donne à voir, à lire, à vivre, à écouter, à vibrer, à aimer, de la même manière que nos cellules se construisent avec la matière première que sont nos aliments et c'est encore plus vrai pour les enfants puisqu'ils en ont besoin pour grandir, pour s'élever... Voilà pourquoi j'essaie de penser à eux aussi à chaque fois. Je vous propose donc de prendre quelques minutes pour déguster le poème de Pablo Neruda : Je demande le silence.
De ce poème était tiré le titre de cette lecture de samedi soir, 14septembre 2024, dont la musique a enchanté nos oreilles et nos cœurs.
Pour une lecture en musique sur Youtube : https://youtu.be/8Dsh0TnasCU
Je demande le silence
Qu'on me laisse tranquille à présent
Qu'on s'habitue sans moi à présent
Je vais fermer les yeux.
Et je ne veux que cinq choses,
cinq racines préférées
L'une est l'amour sans fin.
La seconde est de voir l'automne
Je ne peux être sans que les feuilles
volent et reviennent à la terre.
La troisième est le grave hiver,
La pluie que j'ai aimée, la caresse
Du feu dans le froid sylvestre.
Quatrièmement l'été
rond comme une pastèque.
La cinquième chose ce sont tes yeux,
ma Mathilde, bien aimée,
je ne veux pas dormir sans tes yeux,
je ne veux pas être sans que tu me regardes :
je change le printemps
afin que tu continues à me regarder.
Amis, voilà ce que je veux.
C'est presque rien et presque tout.
A présent si vous le désirez partez.
J'ai tant vécu qu'un jour
vous devrez m'oublier inéluctablement,
vous m'effacerez du tableau :
mon cœur n'a pas de fin.
Mais parce que je demande le silence
ne croyez pas que je vais mourir :
c'est tout le contraire qui m'arrive
il advient que je vais me vivre.
Il advient que je suis et poursuis.
Ne serait-ce donc pas qu'en moi
poussent des céréales,
d'abord les grains qui déchirent
la terre pourvoir la lumière,
mais la terre mère est obscure,
et en moi je suis obscur :
je suis comme un puits dans les eaux duquel
la nuit dépose ses étoiles
et poursuit seule à travers la campagne.
Le fait est que j'ai tant vécu
que je veux vivre encore autant.
Je ne me suis jamais senti si vibrant,
je n'ai jamais eu tant de baisers.
A présent, comme toujours, il est tôt.
La lumière vole avec ses abeilles.
Laissez-moi seul avec le jour.
Je demande la permission de naître.
Pablo Neruda tiré de Vagues et divagues
Et comme promis pour les plus jeunes et tous ceux qui ont su le rester, une petite pépite, une lecture pleine de poésie qui apprend à prendre le temps de découvrir ce qui est essentiel, le petit détail qui change tout : Les Oiseaux, de Germano Zullo illustré par Albertine aux éditions La joie de lire.
Pour une très belle lecture animée : https://youtube.com/watch?v=VseDjTf0cJg&feature=shared